Déco de style Capri de Della Femina

Quelle est la phase la plus fascinante dans la création d'objets aussi uniques ?

Toutes les différentes étapes de la réalisation d'une pièce de design me fascinent. Parmi elles, trois sont les plus importantes et les plus passionnantes. La première est l'invention, ce moment éphémère où un objet commence à prendre forme dans mon esprit. C'est alors que je ressens le besoin de le dessiner. C'est pourquoi j'ai toujours sur moi un bloc-notes et un crayon, même s'il m'est arrivé de dessiner sur des billets de train ou des serviettes de cocktail. La deuxième étape est la réalisation d'un prototype, lorsque je crée le premier objet avec l'aide des artisans. C'est un moment magique, où l'énergie, les connaissances et la passion de chacun d'entre nous convergent pour donner vie à une idée. La troisième étape est le "baptême" de l'objet, lorsqu'il est présenté au monde ou à un client. Ce moment gratifiant génère de nouvelles idées et l'estime de soi nécessaire pour recommencer le processus.

La tradition est-elle importante pour vous ?

Pour moi, la tradition est vitale, voire viscérale. Mais la tradition doit être vécue, renouvelée et transformée en quelque chose de contemporain, de frais et d'actuel. Ce n'est qu'ainsi que l'objet peut revendiquer sa propre histoire, et je crois fermement que tout objet bien fait a sa propre histoire faite d'artisanat, d'idées et d'expérimentations. La tradition, c'est l'histoire, c'est l'appartenance à quelque chose, c'est la culture. Mais elle signifie aussi vérité, modernité, imagination et honnêteté intellectuelle.

Qu'est-ce qui vous a intéressé et fait tomber amoureux de cet artisanat ?

Je pense que c'est avant tout mon caractère et ma curiosité insatiable qui m'ont fait tomber amoureux de ce métier. Il y a aussi l'ADN : mon père était ouvrier du bâtiment. Mon grand-père et mon arrière-grand-père étaient également artisans. Je suis devenu architecte et designer, mais quand j'étais enfant, je passais mes étés sur les chantiers avec mon père. Ma passion vient de l'amour de ce métier et je suis reconnaissant chaque jour de pouvoir faire un travail que j'ai toujours aimé.

Racontez-nous une anecdote liée à votre expérience directe de designer se rendant dans des ateliers d'artisans.

Il est difficile de raconter toutes les anecdotes concernant les artisans avec lesquels je travaille, car chacun d'entre eux est un véritable personnage. Parmi eux, il y a un certain Fifì, qui polit les métaux avant de leur faire subir un traitement galvanique. Je le connais depuis des années et, chaque fois que je le rencontre dans son atelier, il est toujours couvert de poussière noire de métal, à l'exception d'un cercle blanc laissé propre par le masque qu'il porte sur le nez et la bouche, et des deux cercles autour des yeux où les lunettes protègent ses yeux vifs. Un jour, c'était un dimanche, j'étais dans un centre commercial très fréquenté et j'ai entendu quelqu'un m'appeler. J'ai vu une personne me faire signe mais je n'ai pas pu la reconnaître, jusqu'à ce que je remarque ses yeux : Fifì était tout propre et faisait du shopping avec sa femme. Cette anecdote me rappelle une chose que j'ai toujours soupçonnée : lorsque les artisans travaillent, ils se transforment physiquement pour devenir leur propre métier et cette symbiose chez certains d'entre eux est si évidente qu'elle est presque innée. Cela devrait nous aider à donner la juste valeur à tout ce qu'ils sont capables de créer.